Mohamed Trabelsi, OPPBTP : « Nous encourageons les fabricants qui mettent la prévention au cœur de la conception de leurs équipements et outils »
La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles fait partie des prérogatives des parties prenantes du BTP. Rencontre avec Mohamed Trabelsi, responsable de domaine EPI (Normalisation et Innovation) à l’OPPBTP.
La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles fait partie des prérogatives des parties prenantes du BTP. Des structures comme l’OPPBTP, l’Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics, œuvrent au quotidien pour accompagner les entreprises sur le terrain de la prévention. Leur mission est de réduire le nombre d’accidents et d’améliorer les conditions de travail en étant le plus à l’écoute possible des entreprises et en les aidant à adopter les bonnes pratiques : organisation du travail, protection collective, choix d’EPI (équipement de protection individuelle), mais aussi choix des bons outils. Rencontre avec Mohamed Trabelsi, responsable de domaine EPI (Normalisation et Innovation) à l’OPPBTP.
Comment l’OPPBTP intervient auprès des entreprises du BTP ?
Mohamed Trabelsi : Nous pouvons être sollicités par les entreprises. Elles viennent nous voir parce qu’elles ont besoin d’aide sur tel ou tel risque. Tout en appliquant les principes généraux de prévention, nous regardons alors ce qui peut être mis en place en termes de mesures collectives de protection, de mesures organisationnelles et d’EPI. Nous menons aussi des campagnes ciblées, par exemple, sur les chutes de hauteur. Mais cela concerne aussi la protection auditive ou l’amiante. Ces campagnes répondent aux préoccupations des entreprises.
Comment la prévention au sein des entreprises du BTP a-t-elle évolué ces dernières années ?
Mohamed Trabelsi : Les chiffres de suivi des accidents et des maladies professionnelles montrent une amélioration. Cela prouve que d’importants efforts ont été réalisés par l’ensemble des acteurs du secteur pour aller dans le bon sens. Cela étant dit, il reste toujours des pistes d’amélioration. La préoccupation reste forte pour tout ce qui est lié à la manutention manuelle avec les chutes de hauteur, les chutes de plain-pied et les maladies professionnelles dominées par les TMS (troubles musculosquelettiques). Donc oui, les chiffres s’améliorent mais il faut rester vigilant et continuer à agir sur ces risques spécifiques sans oublier les autres.
« Dans le BTP, un salarié a beaucoup plus d’appétence à choisir une entreprise qui prendra soin de lui »
Les grands groupes du BTP ont souvent largement investi dans le domaine de la prévention. Les plus petites entreprises, majoritaires dans le secteur, parviennent-elles à s’emparer de la question ?
Mohamed Trabelsi : Cela fait partie des points importants. Et c’est d’ailleurs notre spécificité. Nous travaillons pour tout le BTP indépendamment de la taille des entreprises. Dans nos prestations, dans notre démarche, nous répondons à toutes les attentes. Il est vrai que côté prévention, les grandes entreprises ont des structures adaptées en interne. Elles n’ont donc pas les mêmes attentes que les petites entreprises. A l’OPPBTP, nous avons ce qu’il faut pour répondre aux deux types de profils. Nous avons dans chacune de nos agences régionales des conseillers et des formateurs pour les accompagner. Pour être encore plus présents, nous investissons aussi beaucoup le digital avec la mise à disposition de documentations, notre agence en ligne (Prévention BTP en direct), d’affiches à télécharger ou encore de films de prévention.
Le BTP est un secteur en tension sur le plan de l’emploi. Les conditions de travail sont-elles devenues argument de recrutement pour les entreprises ?
Mohamed Trabelsi : Bien sûr, cela rend une entreprise plus attractive. Dans le BTP, un salarié a beaucoup plus d’appétence à choisir une entreprise qui prendra soin de lui, qui sera à l’écoute de ses spécificités et de ses besoins. On le voit d’ailleurs avec les EPI. Aujourd’hui, il y a même dans certains cas, des salariés fiers de porter l’EPI de leur entreprise. Il est tout à fait normal de choisir une structure qui accorde plus d’importance à la protection des salariés plutôt qu’une autre structure peut-être moins attentive à ces questions. On peut parler aussi de l’approche économique de la prévention. Les entreprises qui attachent de l’importance à la prévention gagneront aussi en performance et en productivité, tout en bénéficiant d’une image positive.
« Pour le choix d’un outil, étudier son ergonomie, son confort, mais aussi la compatibilité avec la tâche et l’environnement de travail »
Dans cette politique de prévention, quelle est la place des EPI ?
Mohamed Trabelsi : Si l’on peut mettre en place tous les moyens organisationnels, collectifs, pour éviter de porter un EPI, c’est une bonne chose. Mais malheureusement, dans certains cas, ce n’est pas possible et le port de l’EPI devient obligatoire. Il est alors indispensable d’accorder de l’importance à la triple performance : efficacité, confort et coût. Il faut aller au-delà d’un simple marquage CE. On vérifie s’il est compatible avec la tâche à effectuer, avec les autres équipements et avec les besoins du porteur. Aujourd’hui, sur les chantiers, certains EPI indispensables comme les chaussures de protection et le casque sont devenus des habitudes.
Les outils peuvent également permettre de réduire les risques d’accidents ou de maladies professionnelles. Peut-on parler d’OPI, d’outils de protection individuelle ?
Mohamed Trabelsi : Oui et c’est pour ça que le choix de l’outil, comme celui de l’EPI, est également très important. Avant d’acheter un outil, nous recommandons fortement d’avoir d’autres critères de choix que celui de la puissance par exemple. Il s’agit plutôt d’étudier son ergonomie, son confort, mais aussi la compatibilité de l’outil avec la tâche et l’environnement de travail. C’est une démarche qui n’est pas encore assez répandue. A l’OPPBTP, lorsque nous avons mené une campagne sur les risques liés au bruit, nous avons attiré l’attention sur le fait que la puissance acoustique d’un outil, par obligation réglementaire, était toujours mentionnée par le fabricant. Nous invitons les entreprises à tenir compte de cette mention avant d’acheter l’outil. A puissance équivalente, il faudra plutôt privilégier l’outil capable de générer le moins de bruit possible. Il faut adopter la même logique avec ce qui est lié à la vibration. Si on a le choix entre deux outils répondant au même besoin, il est préférable d’opter pour celui qui provoquera le moins de vibration. La question du poids est aussi importante, elle entre en ligne de compte pour le confort et l’ergonomie de l’outil. Avec un outil plus léger, les muscles seront moins sollicités et il y aura moins de risques de TMS. Le bruit, la vibration, le poids sont des éléments essentiels dans le choix d’un outil.
« Nous réfléchissons de plus en plus à travailler avec des fabricants d’outils pour l’étape de conception »
Employeurs et salariés ont-ils pour autant suffisamment conscience de l’importance de faire le bon choix d’outil ?
Mohamed Trabelsi : C’est très hétérogène. Certaines entreprises vont jusqu’à associer le salarié au choix de l’outil. C’est évidemment une bonne pratique que nous recommandons. D’autres n’ont pas le choix. Associé le salarié au choix de l’outil est une bonne chose puisque c’est lui qui sera amené à « vivre » avec. Il connaît les contraintes de sa tâche et les limites de son environnement de travail. C’est donc le plus apte à évaluer la qualité de l’outil. C’est une pratique que l’on peut imaginer dans tous les types de structures.
L’entreprise Leborgne intègre depuis longtemps les questions de prévention dans la conception de ses outils. Quel est le rôle des fabricants dans la réduction des risques ou de maladies professionnelles ?
Mohamed Trabelsi : Nous encourageons évidemment les fabricants qui mettent la prévention au cœur de la conception, de l’innovation de leurs équipements et outils. Cette démarche d’une entreprise qui prend en compte les questions d’ergonomie, de confort, de prévention des TMS, au moment de la conception, ne peut être que bien accueillie. Et une entreprise du BTP beaucoup plus de chance de choisir cet outil plutôt que celui d’une concurrence qui ne prendre pas en compte cet aspect des choses. L’intérêt de l’outil sera ensuite forcément partagé entre collaborateurs, entre entreprises, et le produit finira par s’imposer plus facilement qu’un autre. Le fabricant aura plus de facilité à convaincre s’il intègre la prévention dans sa R&D. A l’OPPBTP, nous réfléchissons de plus en plus à travailler avec des fabricants d’outils pour ces étapes de conception comme on le fait déjà pour les EPI. La réflexion sur le rôle de l’outil ne cesse de croître au sein de la profession. Il est impossible de négliger son impact.